Projet Réponses - Réduire les POllutioNs en Santé Environnement

L’impact de la pollution atmosphérique sur les abeilles

Exemple de la pollution à l’ozone

Megachile sp. sur luzerne (Medicago sativa) (Crédit photo : Guillaume KERDONCUFF)

Les impacts de la pollution atmosphérique sur les abeilles sont encore peu connus, mais plusieurs projets de recherche scientifique sont en cours. C’est le cas au Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive (CEFE) où sont menées des recherches sur l’impact de l’ozone sur les insectes pollinisateurs, notamment les abeilles.

La pollution à l’ozone génère un stress oxydatif chez les abeilles

L’ozone (O3) est un polluant secondaire formé par réactions chimiques dans l’atmosphère, sous l’effet des rayons UV du soleil. La présence d’ozone, molécule hautement oxydante, produit à son tour ce que l’on appelle des « dérivés réactifs de l’oxygène » tels que les radicaux libres. À fortes concentrations, ces dérivés deviennent toxiques pour les organismes et génèrent un état dit de stress oxydatif. Il s’agit un déséquilibre entre la quantité de molécules pro-oxydantes (par ex. radicaux libres) qui peuvent générer des dommages cellulaires, et la quantité de molécules antioxydantes qui les neutralisent et protègent les cellules. Lorsque la quantité de dérivés réactifs de l’oxygène devient trop importante, ces derniers altèrent les molécules du vivant et le fonctionnement cellulaire, ce qui entraîne des répercussions sur la physiologie, la santé et le comportement des organismes, dont les abeilles.

L’exposition et la sensibilité des abeilles à la pollution à l’ozone dépendent probablement de leurs traits écologiques

Bien que les recherches soient toujours en cours, il est très probable que l’exposition et la sensibilité à l’ozone des différentes espèces d’abeilles dépendent de leurs caractéristiques biologiques et de leurs relations avec l’environnement.

Par exemple, l’ozone étant un gaz et sa concentration étant plus élevée en été, on s’attend à ce que les espèces estivales nidifiant hors sol (bois mort, tiges creuses, coquilles d’escargot) soient plus exposées à l’ozone que les espèces printanières et/ou terricoles. De même, la taille et le degré de spécialisation alimentaire des abeilles pourraient influencer leur sensibilité à l’ozone. Face aux facteurs de stress environnementaux, les abeilles de petite taille sont en effet généralement plus impactées que les abeilles de grande taille, et les abeilles ayant un régime alimentaire très spécialisé (qui se nourrissent d’une seule plante) sont généralement plus impactées que les abeilles ayant un régime alimentaire généraliste (qui se nourrissent d’une grande diversité de plantes).

Conséquences de l’exposition des insectes pollinisateurs à la pollution à l’ozone

Les odeurs et les couleurs des fleurs servent de signaux pour les insectes pollinisateurs, dont les abeilles. Ces signaux permettent aux pollinisateurs de localiser une ressource alimentaire (nectar ou pollen) et de l’associer avec un parfum, une forme ou encore un motif coloré particulier de fleur.

En cas de pollution à l’ozone, la détection des signaux olfactifs et visuels des fleurs par les pollinisateurs peut être très perturbée. L’ozone affecte également les processus cognitifs d’apprentissage et de mémorisation des odeurs et des couleurs des fleurs par les pollinisateurs. Les premières expérimentations en laboratoire montrent en effet que sous de fortes concentrations d’ozone, les pollinisateurs ne parviennent plus à différencier les couleurs ou les odeurs « récompensantes » (associées à une qualité de nectar ou de pollen adaptée), malgré une phase d’apprentissage. Il semble y avoir un processus de généralisation, du moins pour les odeurs : au-delà d’un certain seuil d’ozone, tous les parfums se ressemblent ! Il peut alors devenir très difficile pour les abeilles de détecter, reconnaître et localiser leurs plantes de prédilection. L’activité des pollinisateurs peut également être impactée par la pollution à l’ozone, avec notamment des comportements de détresse (mise sur le dos).

Toutes ces modifications sont susceptibles de fortement perturber, voire de rompre, les interactions plante-pollinisateurs. Cela pourrait entraîner des conséquences très néfastes sur la santé des populations d’insectes pollinisateurs, dont les abeilles, affectant l’efficacité de la pollinisation, et donc l’équilibre des écosystèmes et la sécurité alimentaire des sociétés humaines.

L’automédication des abeilles : une solution pour le futur ?

L'ingestion d'antioxydants alimentaires pourrait contribuer au rétablissement d’un équilibre entre antioxydants et pro-oxydants, atténuant le stress oxydatif et ses effets néfastes. En présence d’ozone, les abeilles pourraient ainsi présenter des comportements d’automédication et moduler leur régime alimentaire en favorisant du nectar et/ou pollen riche en antioxydants.

Dans ce contexte, les chercheurs du CEFE s’attèlent à identifier les espèces de plantes qui pourraient conférer une certaine résilience aux pollinisateurs face à la pollution en ozone. À long terme, ces recherches visent à développer des pharmacies naturelles pour les abeilles, notamment en créant des bandes fleuries, et de contribuer ainsi à la conservation des insectes pollinisateurs.

[Ndlr : la pollution atmosphérique n’est pas le seul facteur qui impacte la santé des abeilles, les traitements phytosanitaires utilisés en agriculture (comme les néonicotinoïdes) ont aussi des effets négatifs.]


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